Du droit de vote au Suffrage Universel en France

Pour les citoyens, militaires exceptés

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PREMIERE CONSTITUTION DE L’AN 1 – 3 septembre 1791Le principe du droit de vote des citoyens est inscrit pour la première fois dans la Constitution.

Ce droit de vote est réservé exclusivement aux hommes et est basé sur un système censitaire.

Le cens est fixé très bas, permettant à environ quatre millions et demi de citoyens d’accéder au droit de vote.

L’article 2, section II précise que pour être citoyen actif il faut réunir les conditions suivantes :

Etre né ou devenu Français; être âgé de 25 ans accomplis ; être domicilié dans la ville ou  le canton depuis le temps déterminé par la loi ; payer dans un lieu quelconque du Royaume une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail et en présenter la quittance ;  n’être pas dans un état de domesticité, c’est-à-dire de serviteur à gages ; être inscrit dans la municipalité de son domicile au rôle des gardes nationales et avoir prêté le serment civique.

L’article 3 précise que tous les six ans, le Corps législatif fixera le minimum et le maximum de la valeur de la journée de travail, et les administrateurs des départements en feront la détermination locale pour chaque district. Les exclusions sont précisées dans les articles  5/6.

Pour être nommé électeur, il faut : dans les villes au-dessus  de six mille âmes, être propriétaire ou usufruitier d’un bien évalué sur les rôles de contribution à un revenu égal à la valeur locale de 200 journées de travail ou être locataire d’une habitation évaluée sur les mêmes rôles à un revenu égal à la valeur de 150 journées de travail. Dans les villes en dessous de six mille âmes, les seuils de revenu sont fixés respectivement à 150 et 100 jours de travail. Dans les campagnes, celle d’être propriétaire ou usufruitier d’un bien évalué sur les rôles à 150 journées de travail ou d’être fermier ou métayer de biens évalués sur les mêmes rôles à la valeur de 400 journées de travail. A l’égard de ceux qui seront en même temps propriétaires ou usufruitiers d’une part, et locataire, fermiers ou métayers de l’autre, leurs facultés à ces divers titres seront cumulés jusqu’au taux nécessaire pour établir leur éligibilité.

Note : il s’agit pour les citoyens actifs de se réunir tous les deux ans en assemblées primaires dans les villes et les cantons, sur convocations, pour nommer des électeurs en proportion du nombre de citoyens actifs domiciliés dans la ville ou le canton, a raison de 1 électeur pour 100 citoyens actifs ; il en sera nommé deux depuis 151 jusqu’à 250 et ainsi de suite. Les électeurs nommés  se réuniront ensuite pour élire le nombre des représentants dont la représentation sera attribuée à leur département et un nombre de suppléants égal au tiers de celui des représentants

Seront tenus d’opter, les ministres et autres agents du pouvoir exécutif révocables à volonté, les commissaires de la Trésorerie nationale, les percepteurs et receveurs des contributions directes, les préposés à la perception et aux régies des contributions indirectes et des domaines nationaux, et ceux qui, sous quelque dénomination que ce soit sont attachés à des emplois de la maison militaire et civile du roi. Seront également tenus d’opter les administrateurs, sous administrateurs, officiers municipaux et commandants des gardes nationales.

DECRET du 13 janvier 1791: Le rôle d'imposition doit indiquer pour chaque habitant d'une commune la profession,l'état-civil, le nombre d'enfants et de domestiques, et la qualité de contribuable. Les pauvres figurant  en fin de liste, n'étant pas imposables.

DECRET du 19 juillet 1791: Oblige les municipalités à tenir un registre actualisé chaque année, précisant, pour chaque habitant, le nom, l'âge, le lieu de naissance, le dernier domicile et la profession. Les pauvres et les suspects doivent également être mentionnés.

PAR DECRET du 11 avril 1793, LA CONVENTION  demanda aux communes  de dresser un état de la population effective, avec mention du nom des citoyens ayant le droit de vote. Ces listes (recensements)portent un numéro d'ordre,  le nom et prénoms des personnes de plus de 12 ans, le lieu de naissance, le domicile et la profession. Elles sont consultables dans la série L des Archives Départementales. 

CONSTITUTION DU 24 JUIN 1793 dite montagnarde : Le droit de vote est prévu pour les étrangers. En réalité cette mesure n'a jamais été appliquée, car elle fut suspendue le 10 octobre 1793.Le principe du suffrage universel avait été adopté mais la constitution n’a pas été appliquée.  

CONSTITUTION du 13 décembre 1799 (AN  VIII), LE CONSULAT: Cette Constitution établit le suffrage universel et la citoyenneté française pour tout homme né et résidant en France, âgé de 21 ans révolus, inscrit sur les registres civiques créés commune par commune et demeurant depuis au moins un an en France. L'état de domestique à gage reste incompatible avec l'exercice du droit de vote.  L'âge passera à 20 ans par décret du 17 janvier 1806.

CONSTITUTION (Sénatus-consulte) du 4 août 1802, AN X :   -  Bonaparte est plébiscité consul à vie le 2 août.  

CONSTITUTION (Sénatus-consulte) du 18 mai 1804, AN XII – Ier EMPIRE :  Napoléon devient empereur – Sacré Empereur le 2 décembre.  

CHARTE CONSTITUTIONNELLE du 4 juin 1814 : I ère RESTAURATION. Le Sénat destitue Napoléon le 2 avril. Il abdique le 6 avril -  Louis XVIII promet une monarchie constitutionnelle  le 2 mai et entre à Paris le 3 mai – la charte constitutionnelle est proclamée le 4 juin. Le terme « charte » permettait d’éviter de parler de « constitution » qui avait des relents de révolution ! 

I er août 1815 : DEUXIEME RESTAURATION.  Licenciement de l’Armée impériale.  

LOI ELECTORALE DE 1815 : Pour être éligible, faut être âgé de plus de 40 ans verser un cens de 1000 francs.   

LOI du  5 février 1817 : Ne sont admis à voter que les citoyens âgés de plus de trente ans et payant 300 francs de contribution directe.  

29 JUIN 1820 : Loi du double vote – Cette loi rétabli le scrutin d’arrondissement favorable aux nobles campagnards pour 158 sièges et décide que les 172 autres seront pourvus au scrutin départemental par le quart plus imposé des électeurs qui votent ainsi deux fois !  

JUIN 1824 : Loi électorale portant le mandat des députés à 7 ans au lieu de 5 auparavant.  

28 août 1825 : Sacre de Charles X à Reims. Il est le frère de Louis XVIII mort à Paris le 16 septembre 1824.  

EN  juillet 1830 :  Charles X promulgue 4 ordonnances (dites ordonnance de Polignac, du nom du prince Jules de Polignac chef de cabinet) dont une concernant la loi électorale réduisant le nombre d’électeurs, favorisant les grands propriétaires. Première élection censitaire en août 1830.

Jusqu’à la deuxième République, le droit de vote était réservé aux plus riches sous prétexte que seuls les propriétaires sont capables de défendre l’ordre, les pauvres étant analphabètes.

Pour être électeur, il fallait être âgé de trente ans et payer au moins 300 francs d’impôt par an. Pour être élu, il fallait être âgé d’au moins quarante ans et payer au moins mille (1000) francs d’impôt par an. Avec de tels critères, sur une population d’environ 15 millions, environ cent mille sont électeurs et vingt mille éligible !  

 9 août 1830: Louis-Philippe devient roi des Français suite à l’abdication de Charles X le 31 juillet 1830.

LOI DU 21 mars 1831: Réforme des élections municipales. Les conseillers municipaux sont élus par les habitants les plus fortunés ou les plus notables de chaque commune, le maire restant désigné par le Préfet parmi les conseillers municipaux. Elle réaffirme que les fonctions de maire, d'adjoint et de membre du corps municipal sont essentiellement gratuites et ne donnaient lieu à aucune indemnité ni frais de représentation.

LOI ELECTORALE du 19 avril 1831: Pour être électeur, l'âge est abaissé à 25 ans et le cens fixé à 200 francs. Pour être éligible, l'âge est abaissé à 30 ans et le cens fixé à 500 francs. De plus des membres notoires des professions libérales ou le la fonction publique peuvent voter à partir de 100 francs de cens. Ce groupe a été appelé les "capacités".En ce qui concerne les Militaires, ils ne pouvaient voter que s' ils étaient retraités et que leur retraite atteignait au moins 1200 francs par an et payaient un demi cens de contribution directe. Le résultat de cette décision a été l’élimination de tous les demi-soldes de l’Empire, colonels ou généraux…..  

LOI DU 25 juin 1833: Le système prévu par la loi du 21 mars 1831 est étendu aux conseillers généraux et conseillers d'arrondissement.  

MARS 1847: Rejet d’un projet de loi électorale abaissant le cens et précisant le droit de vote des personnes instruites.  

FEVRIER 1848 : GOUVERNEMENT PROVISOIRE - CONSTITUANTE (avril mai 1848) et  II ème REPUBLIQUE :  Suite à l’abdication le 24 février de Louis-Philippe en faveur de son petit-fils le comte de Paris La chambre refuse et  crée le même jour un gouvernement provisoire pro républicain. Proclamation de la République  le 4 mai ; Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte est  élu Président de la République. 21 novembre 1848 : promulgation de la constitution de la 2 ème République.  

25 février 1848: Vote de la loi sur le suffrage universel des hommes et institution d’une indemnité parlementaire pour que les pauvres puissent participer à l’Assemblée.  Première élection fixée au 23 avril 1848.  

2 Mai 1848 : Proclamation du suffrage universel et direct sans la moindre condition de ressources (fin du cens) toujours pour les hommes exclusivement. La France est alors le premiers Etat au monde à l’avoir institué. La majorité électorale est fixée à 21 ans et à 25 ans pour être éligible. Le vote est censé être secret.. . Suite à cette loi, le corps électoral passe d’environ 246000 électeurs à plus de 9 millions, posant d’énormes problèmes pratiques, la moitié de la population masculine étant alors illettrée. Il faut alors, pour la première fois avoir recours aux bulletins imprimés. Sont exclus les militaires et le clergé. Le vote de l’armée n’était pas prévu au motif qu’il était impossible de faire voter les soldats dans leurs communes sans disperser l’armée d’une manière arbitraire et potentiellement dangereuse pour le pays.. En pratique ils ne furent pas exclus. Pour la première fois le vote des domestiques était autorisé La première élection a eu lieu le 9 avril 1848.  

31 mai 1850 :  Les élections partielles d’avril 1850 à Paris, favorables aux socialistes suscitèrent un vent de panique dans le parti de l ‘Ordre qui chercha à limiter le suffrage universel sans violer la constitution. L’Assemblée vota une loi précisant que dorénavant, pour être électeur, il fallait être domicilié dans le canton depuis au moins trois ans, y payer sa taxe personnelle et ne pas avoir subi de condamnations (loi dite de Persigny – Victor Fialin de Persigny était alors Ministre de l’Intérieur). Ceci eut pour résultat de priver près de trois millions de citoyens de leur droit de vote car, à l’époque, un nombre très élevé d’ouvriers allait de ville en ville pour chercher du travail.  

PROCLAMATION DE L’EMPIRE LE 2 DECEMBRE 1851 :  Coup d’état de Louis  Napoléon Bonaparte qui annonce l’abrogation de la loi du 31 mai 185O sur la restriction par le domicile et appelle l’Armée à voter pour la première fois…  

1851 :  Une nouvelle loi électorale excluait les populations réputées dangereuses…..  

14 janvier 1852 : RETABLISSEMENT DU SUFFRAGE UNIVERSEL.  

DECRET du 14 février 1852 : Contrôle de la presse, contrôle de la population, nouveau découpage électoral favorisant le gouvernement et pouvant être remaniée à chaque élection et mise en place de la candidature officielle : Le candidat officiel est désigné par le préfet lui-même nommé par Napoléon III. Tous les fonctionnaires, tous les maires (nommés par N. III dans les grandes villes, doivent faire campagne pour lui. Il est le seul à pouvoir apposer des affiches, disposer de bulletins de propagande  et de bulletins de vote à son nom, enlevant ainsi toute possibilité d’expression à l’opposition.

Le résultat est qu’aux élections législatives de 1852 est que sur 261 élus, 1 est issu de l’opposition royaliste et 3 de l’opposition républicaine qui démissionneront pour ne pas prêter serment de fidélité à l’Empereur. Même scénario à celles de 1857 : seulement 5 républicains sont élus (650.000 voix contre 5.500.000 pour les candidats officiels !

Il est instructif de lire les consignes données aux préfets et celles que ceux-ci donnaient aux maires de leur arrondissement (cliquez sur la partie de phrase correspondante pour lire le texte).  

14 janvier 1864 : Thiers réclame la liberté électorale, c'est-à-dire la suppression de la candidature officielle.  

4 septembre 1870 : PROCLAMATION DE LA III ème REPUBLIQUE  qui durera jusqu’au 10 juillet 1940. Le 2nd Empire se termine  par la défaite de Sedan le 2 septembre 1870 et la  capitulation et emprisonnement de  Napoléon III. 

17 août 1945 -  DROIT DE VOTE DES MILITAIRES DE CARRIERE . Officiellement, jusqu’à cette date, les militaires étaient exclus du droit de vote sous prétexte qu’ils ne devaient pas prendre parti dans les luttes politiques. Le surnom de « grande muette » que l’on avait donné à l’Armée disparaît donc en 1945.  

VOTE DES FEMMES : La question du droit de vote des femmes a été discuté au parlement dès le début de la Troisième république, en 1870. mais n’a pas été voté car une majorité craignait que le vote des femmes influencées par le clergé, ne soit favorable à la royauté !

Au début du 20 ème siècle, suite à une évolution des mentalités, le principe du droit de vote des femmes a été voté par l’assemblée nationale mais refusé par le sénat  traditionnellement plus conservateur.

Il faut attendre l’ordonnance d’Alger du 21 avril 1944, prise par l’assemblée consultative pour que le vote féminin entre en vigueur et commence à s’exprimer au référendum et élections législatives organisés après la fin de la guerre. Ce principe sera affirmé dans la constitution du 27 octobre 1946 " La loi garanti à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme"

ISOLOIR : Aussi surprenant que cela puisse paraître les isoloirs dans les bureaux de vote n’ont été institués et mis en place qu’à partir de 1913 !  

GRATUITE DES MANDATS  : Le législateur a longtemps  affirmé que  l'accomplissement des tâches publiques devait aller de pair avec une sécurité financière personnelle du notable, celle-ci étant considéré comme le  gage de l'impartialité de ses décisions. La loi du 27 février 1912 prévoit des indemnités de déplacement et de séjour pour les conseillers généraux. Il faut attendre les ordonnance du 26 juillet 1944 et du 21 février 1946 pour que des indemnités de fonction puissent être allouées aux maires et adjoints sur les budgets communaux. Enfin, la loi du 2 août 1949 oblige les employeurs a laisser aux salariés élus le temps nécessaire pour assister aux séances plénières des assemblées délibérantes.

CENS : Vient de census = recensement. Terme ancien utilisé par les Romains pour évaluer tous les 5 ans la fortune des citoyens. Au Moyen-âge, c’était une redevance fixe que le possesseur d’une terre doit payer au seigneur du fief.  Quotité d’imposition nécessaire pour être électeur ou éligible. CENSITAIRE : Celui qui payait le cens et pouvait être électeur ou éligible. Le cens a été aboli  par la loi du 2 mars 1848.  

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Il est intéressant de noter, même si c’est un peu hors sujet, que la démocratie britannique interdit aux fonctionnaires de se présenter dans les élections pour éviter tout conflit d’intérêt entre les fonctions de représentation du peuple et l’appartenance à un corps au service de ce même peuple. Les fonctionnaires voulant se faire élire doivent au préalable sacrifier leur emploi garanti !

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