Les corporations à Mulhouse

Remonter

Après l'aménagement de la cité marchande de Mulhouse par l'Empereur Frédéric Ier, de nombreux artisans vinrent s'y établir pour bénéficier de la protection d'un seigneur puissant. Il devint rapidement indispensable de les regrouper par métiers pour leur permettre d'exercer leur profession dans des conditions favorables , en créant un esprit de stimulation, d'entraide et en en faisant à frais communs des installations techniques trop chères pour un artisan isolé.

Les tanneurs se fixèrent le long de l'Ill, ainsi que les bouchers qui leur fournissaient les peaux,  Les cordonniers, corroyeurs et selliers, grands consommateurs de cuir vinrent également sur les bords de la rivière, les vignerons étaient un peu plus loin avec les agriculteurs.

Au Moyen-Âge, toute activité commerciale était réglementée dans l'intérêt du consommateur et du producteur. Egalement pour limiter le nombre des ateliers, d'ouvriers et apprentis, horaires de travail, éviter la concurrence déloyale et permettre un meilleur contrôle global par les autorités. Ceci conduisit au regroupement des artisans en petites collectivités professionnelles de caractère économique.

Le développement rapide de la ville, principalement sous les Hohenstauffen ( 1222 - 1236) incita les artisans à s'affranchir (jusqu'à un certain point) du contrôle des autorités dans leurs affaires professionnelles et à gagner une participation dans la gestion publique. Les résultats de ces efforts devinrent tangibles au début du XIVe siècle. Une charte du 30 janvier 1314 fait état des "zunfmestres", ce qui présuppose l'existence des corporations (zünfle) qu'ils dirigent. Dans cette charte, les zunftmestres participent ensemble avec le prévôt et le conseil à des actes d'administration publique importants. La preuve de l'accès des corporations au pouvoir est confirmé par un diplôme royal de Charles IV du 12 décembre 1347 qui confirme la charte municipale de Mulhouse qui peut élire un bourgmestre qui sera élu par le conseil et les chefs de corporations (zunftmestres). A partir de 1425, chaque corporation a deux membres siègeant au conseil  Rat)en plus du Zunftmestre en exercice et parfois des anciens zunftmestres. A partir de 1525, les 6 zunftmestres émargent au budget de la ville au même titre que les 12 conseillers et touchent les mêmes indemnités. Quand le conseil est élargi dans certaines circonstances avec les  zunftmestres, il  se nomme "rat und Zunftmeister" Quand les anciens zunftmestres sont également convoqués, on fait référence au grand conseil (Grosser Rat).

-  Organisation des corporations: Il y avait six corporations également dénomées "tribus" depuis 1445. Une 7e, celle des cordonniers/tanneurs/selliers fut réunie à celle des bouchers probablement pour rester dans le cadre de la répartition des sièges au conseil.

Chaque tribu avait son "poêle"(Zunftstube) ou lieu de réunion permanent. Au début, il semble que les tribus des vignerons et des agriculteurs étaient les plus fortes. Elle cèdèrent progressivement  le pas aux autres tribus:

La tribu des tailleurs (Schniderzunft) comprenait tous les marchands, merciers, drapiers, tondeurs de drap, tisseurs de laine, tisseurs de lin, tailleurs et couturières, bonnetiers, pelletiers, chapeliers, teinturiers, foulonniers etc..

La tribu des bouchers (Metzgerzunft) réunissait les bouchers, tripiers, tanneurs, corroyeurs, mégissiers, selliers, cordonniers, savetiers et autres petites industries du cuir.

La tribu des boulangers (Beckenzunft) regroupait les meuniers, boulangers, pâtissiers, aubergistes et hôteliers, pêcheurs, puis les chirurgiens-barbiers, cordiers etc...

La tribu des maréchaux (schnidzunft) se composait des artisans travaillant les métaux, le bois et la pierre: forgerons, maréchaux-ferrants, serruriers, couteliers, armuriers, potiers d'étain, orfèvres, puis les charpentiers, charrons, menuisiers, sabotiers, tonneliers, cuvetiers, boisseliers, tourneurs et aussi les maçons, tailleurs de pierre, couvreurs, vitriers, poêliers, peintres etc.

La tribu des agriculteurs (Ackerleutzunft) comprenait les cultivateurs, maraîchers, pâtres, voituriers-charretiers etc.

La tribu des vignerons (Rebleutzunft) regroupait les vignerons et plus tard, quand leur nombre diminua: on ajouta les professions libérales: médecin, insituteur, greffier, parteurs (après la réforme) et les gens sans profession vivant de leur patrimoine.

Chaque corporation avait à sa tête un chef de tribu (Zunftmeister) en exercice, un Zunftmestre hors exercice et 6 sexvir (Sechslut, Sechser). Le Zunftmestre était élu par les membres de la tribu pour une durée d'un an, mais nommé par un conseil restreint.Il n'était pas immédiatement rééligible.

Pour être admis dans sa corporation, le candidat devait prouver ou assurer solennellement son origine légitime et, lorsqu'il était marié, la légitimité de son union. Il était tenu de prêter le serment d'obeissance au Zunftmestre. Il lui était interdit de faire une concurrence déloyale, de débaucher les ouvriers etc. Sa femme était soumise aux mêmes obligations. Toute contravention entrainait une amende. Le candidat devait payer une taxe d'entrée (Zunftrecht) et devenait un nouveau membre (Zunftbruder). Cette taxe d'entrée a varié dans le temps et en fonction des corporations. A titre d'exemple, chez lez agriculteurs et vignerons, elle était en 1444 de 5s.d., d'une livre et d'un quart (4 pots) de vin plus 4 d à l'appariteur. En 1467, elle fut portée à 10 s.d. plus les autres contributions; en 1467 elle passa de 1O s. d. à 1 livre d.                                                             Dans la corporation des bouchers, le droit d'entrée était dès 1449 de 1 l.d., d'une livre de cire, d'un Viertel (4 pots) de vin et d'une oie. L'appariteur touchait 4 den. Tout affilié devait être en possession d'une armure lui appartenant en propre.

Les enfant d'un affilié ne payaient que la moitié du droit d'entrée, de même que les gendres. Les veuves devaient continuer à maintenir le Zunftrecht lorsqu'elle continuait l'exploitation de l'atelier du défunt. Les femmes célibataires ou mariées qui exerçaient une activité (couturière, tisseuse ert.) devaient également se faire recevoir à la coropration et payer le Zunftrecht.

A côté du Zunftrecht qui conférait la qualité de membre, il y avait le droit de fréquenter le poêle (facultatif). Cela donnait le droit de s'attabler dans la salle de la tribu, d'y discuter, jouer, boire ou manger à ses frais bien entendu. Les femmes n'avaient pas droit à cet avantage. La salle était placée sous la surveillance d'un des membres élu à cet effet (Stubenmeister) ou préposé à la salle. Il maintenait l'ordre et la bienséance, faisait la police des réunions etc. Le Stubenrecht se payait à part: en 1444, les agriculteurs et vignerons le payait 15 s.den.; en 1467: 1 l. den.. Tous les membres étaient tenus de payer une cotisation trimestrielle qui était de 2 den. en 1444 chez les agriculteurs et également leur quote part des frais de chauffage.

Pour que l'ordre soit maintenu dans les réunions, il y avait des règlements très stricts. Les amendes étaient déposées dans un tronc et servaient d'écot aux fêtes patronales et autres qui donnaient lieu à de joyeuses agapes, réjouissances et autres beuveries.

En plus de leur participation à la gestion de la ville, les corporations participaient également à l'exercice de la justice par le tribunal echevinal. Sur les 9 échevins dont le mandat était de 6 mois, le conseil en choisissait 6 (un par tribu) et 3 parmi les conseillers.

Le fait que le Bourgmestre devait se rendre le premier dimanche suivant sa nomination dans chaque poêle (6 tribus à visiter) pour y recevoir le serment de fidélité des affiliés, montre la puissance des corporations.

Les corporations avaient également un rôle important dans le domaine militaire pour la défense de la cité.

* * * * * * *

Remonter