La Réforme à Mulhouse.

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Pour bien comprendre comment la Réforme a pu s'installer rapidement à Mulhouse, il faut faire un retour en arrière.

L'ordre Teutonique, collecteur de l'église  paroissiale ne remplissait plus ses obligation depuis quelque temps, laissant parfois pendant des années l'office du curé sans titulaire, entraînant de nombreux désordres, malgré les nombreuses interventions des autorités civiles. Par exemple, le 24 juin 1507, le curé Jean Bertsch fut assassiné dans la commanderie par un de ses acolytes. Une bonne partie du problème résidait dans le fait que la fonction de commandeur n'était pas remplie en continuité. Le curé faisait office de commandeur pendant ces périodes de vacance de poste. Depuis 1512, l'ordre manquait de frères prêtres et devait salarier des prêtres séculiers auxquels ils conféraient l'office du curé. Il en résultait une absence quasi totale de contrôle sur les adjoints du curé et sur les autres clercs séculiers qui, en pratique, faisaient ce qu'ils voulaient. A cette situation s'ajoute l'opposition de l'ordre, jusqu'en 1510, à la consécration du nouveau maître autel.

Le relâchement des moeurs et la multiplication des incidents  suscitèrent  un très fort mécontentement de la population qui s'éloigna du clergé séculier qu'il avait eu en grande admiration au début. 

Tout ceci à une époque ou les idées et concepts créés par l'Humanisme et la Renaissance commençaient a fortement ébranler l'édifice de la foi! 

A ces griefs envers l'ordre Teutonique, s'ajoutaient les critiques violentes envers les clercs dont les nombreux excès et délits de fornication, concubinage, coups et blessures etc. éloignaient les fidèles de l'église paroissiale. L'évêque de Bâle essaya en 1517 de mettre fin à la vie licencieuse des prêtres, envoya son fiscal à Mulhouse en demandant  au Bourgmestre aide et assistance pour son envoyé. Cette tentative formelle n'eut pas plus de résultat que les précédentes.

Il faut aussi noter que l'ordre de St Jean (les Johanniques) a été pire que les Teutoniques dans ses carences. Après le décès du commandeur le 8 décembre 1521, son remplaçant n'arriva qu'en 1526! 

Dans ce contexte de déliquescence complète de la religion, de nombreux habitants, bourgeois,et membre du conseil décidèrent qu'il était temps de prendre les chose en main et de rétablir la vraie foi.  Seule une partie minoritaire de la population résistait avec peu de leaders charismatiques, pour maintenir la foi traditionnelle catholique.

Dans le camp de la réforme, il y avait le greffier syndic, l'ancien prieur, le chapelain ainsi que la majorité des conseillers. A cette liste on peut ajouter les chapelains transfuges comme Nicolas Prugner, prieur du couvent des Augustins de Mulhouse en 1519, destitué en juillet 1523 par son provincial pour avoir prêché publiquement l'évangile dans l'église de son couvent!  Le conseil de la ville outré, lui attribua aussitôt la prébende de St Jean l'Evangéliste qui était vacante, lui permettant ainsi de continuer ses prédications. Les premières manifestations formelles de l'esprit de la réforme, à l'initiative de Prugner et aussi Gschmus, étaient couvertes par le consentement tacite des autorités.

Pour sortir de cette situation intenable, le conseil prit un certain nombre d'initiatives. Le 29 juillet 1523, il publia un édit sur la prédication de la parole divine, directement inspiré par un édit analogue promulgué par les autorités Baloises en mai ou juin de la même année. L'édit du conseil prescrivait que ne soit enseigné et annoncé que le Saint Evangile et la doctrine du Christ et que soit écarté tout enseignement non conforme  aux Saintes Ecritures. Ce premier édit fut complété en décembre 1523 par une ordonnance du Magistrat réformant les moeurs, principalement en ce qui concerne les jurons, blasphèmes, les excès de boisson, l'adultère et le concubinage. Ces deux édits marquaient officiellement l'entrée officielle des autorités civiles dans le domaine religieux et leur mainmise sur les affaires ecclésiastiques. 

L'adit du 29 juillet 1523 était aussi une mise en demeure du clergé séculier l'invitant à se plier à ces ordres, se conformer à ces nouveautés ou, dans la négative, se démettre de ses fonctions et prébendes. Sur les 16 chapeliers, dix optèrent pour la réforme.

En 1524, après discussion avec Georges d'Andlau, commandeur des Teutoniques et détenteur de la collation de l'église paroissiale, de très nombreuses dispositions réglant la célébration du culte, les processions, les jours fériés, les baptêmes, les mariages etc. furent mises en place.

Pendant cette période difficile, Mulhouse a toujours su garder de bonne relations avec l'église et la ville de Bâle. Les relations entre les deux villes ont été très cordiales pendant tout le Moyen Age et se sont resserrées pendant cette période de transition pendant laquelle les problèmes religieux et leurs solutions furent résolus en parfaite harmonie.

L'objectif des réformateurs d'abolir l'église catholique (considérée comme corrompue) à Mulhouse était virtuellement atteint des 1524, tout le clergé séculier, l'église paroissiale et les chapelles appartenaient désormais au culte réformé.

Dès Décembre 1523, le Magistrat de la ville avait informé l'évêque de Bâle de l'attitude qu'il comptait prendre à son égard.  Il restait à se mettre en règle avec l'ordre Teutonique titulaire de la collation de l'église paroissiale. Le 13 décembre  1557, fut signé un acte de cession pour 600 florins (somme très importante à l'époque) de tous les droit de collation à la ville. Dès 1524, on constate les premières  mainmises sur les biens de l'église,  et la dissolution des confréries religieuses, la suppression et liquidation des maisons religieuses en 1525.

Le couvent des Augustins fut sécularisé en 1525 et ses biens transmis à la ville après un accord financier  avec le dernier prieur. Il faut noter que l'ordre des Augustins ne s'est pas opposé au courant réformateur mais l'a fortement encouragé et a fourni les plus chauds partisans.

Le 29 février 1529, le couvent des Franciscains, où il ne restait plus que le portier qui était loin de donner le bon exemple et s'opposait à la réforme, fut supprimé et les objets de valeur (calices et un ostensoir en argent) confisqués. Au départ des émissaires de la ville, la populace pilla tout ce qui restait.

Le couvent des Clarisses où il restait encore 28 soeurs en 1522, fut progressivement fermé par le transfert des soeurs dans d'autres couvents. Les deux dernières restèrent jusqu'en 1529, date à laquelle le Magistrat, en plus du remboursement de la dot, leur versa une rente viagère. Le couvent fut attribué à l'hospice des vieillards.

Les procures purent continuer leur activité économique. Celle de Lucelle dû renoncer à la chapelle Ste Marguerite, mais continua ses activités économiques. Le Magistrat accorda aux abbés Cisterciens le droit de bourgeoisie pour continuer à protéger leurs biens dans la ville. De ce fait, l'abbé de Lucelle resta, pendant plus de deux siècles le seul représentant de l'église médiévale à Mulhouse.

A la lecture de ces faits, on comprend mieux les motivations des paysans du Sundgau quand ils firent leur guerre en 1525. Malheureusement pour eux, elle se termina très mal!

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