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| Les incorporés de force d'Alsace et de Moselle
Une des épisodes les plus dramatiques de l'histoire de l'Alsace annexée de force en 1940, et non de droit comme en 1870, fut l'incorporation de force dans l'armée Allemande à partir de 1942 d'environ 130.000 Alsaciens et 30.000 Mosellans pour combattre sur le front Russe . Ces hommes furent surnommés les "malgré-nous" Le Gauleiter Wagner, chef de l'administration civile en Alsace dès 1940 s'efforça d'inciter le plus grand nombre possible d'Alsaciens à se porter volontaires pour la Waffen-SS ou la Wehrmacht. Les résultats furent loin des objectifs: entre début octobre et fin novembre 1940 il y eut seulement 32 volontaires et un total de 2.100 avant l'incorporation obligatoire. C'est le général Keitel, Generalfeldmarschall depuis juillet 1940 (déjà en 1938 chef du haut-commandement de la Wehrmacht) qui, en liaison avec Wagner (les deux installés à Strasbourg) décidèrent, sur instructions d'Hitler, l'incorporation obligatoire des Alsaciens et Lorrains essentiellement dans la Wehrmacht. Cette incorporation incluait les hommes nés en 1922, 23 et 24 et commença le 12 octobre 1942. Celle-ci se terminera le 8 février 1944. Si les appelés décidèrent au début de refuser et d'envisager une fuite en France, ils y furent contraint, étant sujets à la loi martiale et à la peine de mort. Ceux qui refusèrent de porter l'uniforme allemand, furent exécutés, leurs biens mis sous séquestre et les familles déportées. Ne faisant aucune confiance aux recrues Alsaciennes et craignant leur désertion, les Allemands décidèrent d'envoyer la plus grande majorité d'entre eux sur le front Russe ou se trouvait déjà la L.V.F. (Légion des Volontaires Français: engagés volontaires pour aller combattre les communistes sur le front Russe) Les Russes ne faisant aucune différence entre les Français de la LVF et les Alsaciens enrôlés de force dans la Wehrmacht, les considérèrent tous comme des traîtres et les tuaient systématiquement ou les faisaient parfois prisonnier. Le camp le plus connu est celui de TAMBOV, aussi connu comme le camp N° 188, situé à 430 klm au sud est de Moscou. Il semble qu'au début, les prisonniers Français, comme les Allemands ont été envoyés dans une centaine de camps répartis en Biélorussie, en Sibérie, en Prusse de l'Est et autres camps d'Asie Centrale. Un certain regroupement s'est fait ultérieurement sur Tambov. Des "malgré nous" ont également été faits prisonniers par les Américains, Anglais et Français des Forces Françaises Libres. Certains ont été prisonniers au Camp de La Flèche dans la Sarthe, dans des conditions difficiles mais qui n'avaient rien à voir avec les camps Soviétiques. Il semble qu'à la Libération, le Général de Gaule n'est pas intervenu en leur faveur, ne voulant pas mécontenter Staline avec qui il envisageait certaines alliances politiques, ni les communistes. Ceux qui survécurent aux camps et rentrèrent en France subirent, en plus, une terrible humiliation, étant assimilés par certains aux volontaires de la LVF, donc à des traîtres, et surtout diffamés par le parti communiste qui ne tolérait pas qu'ils puissent dénoncer les souffrances subies dans les camps Russes! Une grande partie des prisonniers est revenue en France en automne 1944, d'autres, prisonniers dans d'autres camps du territoire Russe, ne rentrèrent qu'en 1945, 1946 et même 1947. Il semble que le dernier prisonnier soit rentré le 16 avril 1955! Il existe à Riedisheim, depuis 2001, un mémorial commémorant le destin tragique d'une grande partie de ces incorporés de force dont plus de 17000 périrent dans les camps Russes. Huit autres monuments sont actuellement installés ou en cours d'installation dans le reste de l'Alsace. Pour bien comprendre le sort tragique des prisonniers dans les camps Russes, le plus simple est de reprendre l'intégralité du texte qui est affiché en Français, en Anglais et en Allemand à l'entrée gauche du Mémorial: FÉDÉRATION DES ANCIENS DE TAMBOV ET INTERNES EN RUSSIE Ce mémorial a été
érigé en souvenir des 17000 morts alsaciens et mosellans incorporés de force
dans la Wehrmacht ou dans d’autres formations militaires allemandes, par
l’occupant, durant l’annexion de nos provinces de l’Est au 3ème
Reich, de 1940 à 1945, abandonnées par le gouvernement de Vichy, et au mépris
de toute légalité. Ces victimes
furent de jeunes gens et hommes nés entre 1906 et 1928, mobilisés du 16
octobre 1942 au 12 janvier 1945, sous la menace de déportation de la famille en
cas de désertion. Passés à l’armée
Rouge dès 1943, comme « évadés » ou comme prisonniers de guerre
de la Wehrmacht »malgré eux », ils furent traînés de camps en
camps, convertis de fait en « travailleurs de force sous-alimentés ». Une grande partie
d’entre eux fut rassemblée très tôt au sinistre camp de TAMBOV dit « camp
des Français », à cause de l’importance de la communauté française
à certaines époques. La tyrannie, la
sous-alimentation, les punitions arbitraires, le régime excessif de travail, la
dégradation du moral collectif, les épidémies, le climat rude,
l’habillement insuffisant, la promiscuité, le manque d’hygiène, tous ces
facteurs eurent rapidement raison de la population captive. On évalue à
environ 50 à 60% les pertes en vies humaines au camp de Tambov qui, de 1944
à 1945, décompta le passage de 68000 prisonniers de guerre de toutes
nationalités parmi lesquels le « contingent français » fut le plus
exploité. Peu supportèrent ce régime de persécution psychique, de rations maigres et de travaux forcés auxquels ils n’étaient pas adaptés. Presque tous les survivants ont rapporté des séquelles incurables. Six « Lazarets »
et deux « hospitals » rudimentaires, antichambre de la mort,
livraient chaque nuit, au petit matin, leur cargaison de cadavres, jetée
ensuite pêle-mêle dans les charniers creusés par leurs camarades en forêt,
aux alentours du camp. Ce mémorial veut être un lieu de recueillement et de réflexion en hommage aux morts qui ont péri inutilement, sacrifiant leur jeune vie sans reproche, sachant que leur dépouille ne serait jamais rapatriée. La plupart ont été
livrés à la terre inhospitalière de Russie dans l’anonymat le plus complet.
Des milliers de familles perdirent ainsi toute trace de leur fils, de leur mari,
de leur père qui sont morts ni pour l’Allemagne ni pour la Russie, mais dans
la fervente attente et l’espoir de regagner la France, leur patrie. Les rescapés de ces camps russes, originaires d’Alsace et de Moselle ont gardé pieusement le souvenir de leurs camarades abandonnés qu’ils considèrent comme des « martyrs ». Passants, vous aussi ne les oubliez pas ! Photos du mémorial de Riedisheim Photos du Monument aux Morts de Riedisheim, a gauche du Mémorial. |